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3 - POULE DES BOIS

Dernière mise à jour : 16 mars 2024

Avec la fonte des neiges, mon chat est sorti de son hibernation et de son mode lover boy. De princesse, je suis devenue portière. Les effluves printaniers titillaient mon matou qui demandait à sortir, à rentrer, à sortir…

 

Rapidement, j’ai installé une chatière dans le sous-sol. Mais au lieu d’être reconnaissant pour sa liberté nouvelle, monsieur préférait que je lui ouvre. J’avais beau lui montrer encore et encore la trappe et le mécanisme, il snobait ce passage, avec un air qui semblait dire :

Tu crois vraiment que je vais passer par le bas étage, comme un vulgaire concierge ?

Mon chat de grange était devenu un noble, lui aussi.

 

J’ai dû alors réaffirmer nos positions : ta liberté se termine là où la mienne commence, beau prince. J’ai tenu bon devant ses petits miaulements aguichants, qui jamais ne sont devenus agaçants. Arthur a beau être dodu, musclé et ressembler à une grosse patate orange ; même si ses griffes sont redoutables et qu’il ne contrôle pas sa force quand il joue, il miaule avec un manque de virilité troublant qui m’émeut chaque fois par la délicatesse de la demande. J’ai l’impression d’entendre de la déférence et de la politesse dans le faible miaow timide. Mais je l’ai dit, j’ai tenu bon.

 

— Miaow (traduction : la porte svp, mon amour !).

 

— Hey le gros, passe par ta trappe !

 

Mon chat s’est mis à faire des concessions et à découvrir le plaisir de me surprendre avec un cadeau en passant par sa petite porte. Pour ses occasions, sa voix se montrait exceptionnellement imposante : MAAAOOOOOOOW ! Traduction : Chérie ! Regarde ce que je t’apporte ! J’ai reçu sur tous les tapis de la maison, comme si c’était des napperons géants, un assortiment de rongeurs pendant toute la belle saison. Une fois déposée, la bête n’avait plus d’intérêt pour lui. C’était à moi. Et c’était à moi de m’en débarrasser discrètement, avec un sentiment de dégoût et de culpabilité.

 

Un matin de septembre, son annonce d’une bonne chasse s’est faite plus intense que jamais. Je sommeillais encore quand il a déposé sur le tapis blanc, à côté de mon lit, une perdrix tout ébouriffée. Enchantée malgré la tache de sang, je l’ai félicité et remercié comme jamais. La bête était à peine tiède. J’ai compris l’ampleur de son travail pour arriver à la faire passer par la trappe en découvrant un tapon de plumes autour de l’ouverture et j’ai ressenti une bouffée d’amour spontanée pour mon félin.

 

J’ai plumé et rôti le volatile, en offrant à mon valeureux pourvoyeur les abats, qu’il a déclinés. Tout cela était pour moi. Un des seuls oiseaux qu’il m’ait jamais rapportés, mais quelle prise ! Un régal illégal.

 

Fier de son bon coup, Arthur ne s’est pas arrêté là.



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