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PORTFOLIO

Voici quelques extraits de biographie. Je vous les présente, sans autres prétentions que de rire, d’apprendre, de se souvenir…
Ces textes ont conservés la parlure du narrateur.

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Selon les dires d’un agriculteur de la région 

LA TARTE AUX BLEUETS DE MAMAN
OU PETITE POINTE DE VIE D’UN FERMIER RETRAITÉ

Mes parents ont eu leur premier enfant sur le tard, à la fin de trentaine. C’était exceptionnel, dans le temps. Ils ont repris une ferme et y ont emménagé avec leurs deux premiers bébés. Je suis né sur cette ferme et j’y habite encore. C’est moi qui ai repris l’entreprise familiale.

 

À l’époque, on n’avait pas d’auto ni de tracteur. Toutes les cultures se faisaient avec des chevaux. La première machinerie est arrivée en 1974, l’année où j’ai commencé à prendre la relève officiellement. Cette même année, les bidons à lait ont été remplacés par les bassins laitiers qu’on connait aujourd’hui.

 

Mon père n’était pas triste en voyant tous ces changements. C’était le progrès. Mais il aimait encore les chevaux. La transition s’est faite tranquillement sur trois ans. Par la suite, il a gardé encore quelques années une jument qui s’appelait Cendrée, à cause de la couleur grise. Il passait le rouleau pour égaliser la terre avec elle. Ma nièce, âgée de deux ou trois ans, se laissait assoir dans une boîte en bois fixée à l’instrument. Elle aimait beaucoup se faire trainer dans les champs. Un cas de DPJ de nos jours !

La grange de mes parents

J’ai souvenir qu’à l’âge de cinq ou six ans, je jouais souvent dans la maison avec mes frères et sœurs. Mes parents étaient aux champs à ramasser les patates. Les plus petites, les grelots, nous étaient données comme jouet. Nos jeux étaient simples. Les petits légumes devenaient une monnaie d’échange et on simulait la vente ou l’achat de choses imaginaires. Des fois, on les faisait juste rouler sur les grandes surfaces sans meubles… Maman se passait la tête de temps en temps dans le châssis de la fenêtre.

 

Un jour, une de ses tantes est venue la visiter. On a passé pour de « pauvres ti enfants » avec nos patates sur le plancher. Une caisse de jouets nous est arrivée par la suite. La chicane a commencé !


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Le dimanche midi, on mangeait du poulet, un de ceux qu’on avait élevés. Les restants servaient à faire de la soupe avec des légumes du jardin. Le plat principal, les autres jours, c’était de la viande et des patates. Bœuf ou porc. Patates rondes bouillies, patates « en riz », patates pilées… On mangeait dans des assiettes creuses en émail, la soupe et le repas dans le même plat.

Recette de pâte à tarte

Pour dessert, ma mère faisait surtout des tartes aux fruits de saison. Celles aux bleuets, c’était mes préférées. Les enfants avaient la tâche d’aller cueillir les petits fruits sauvages de l’autre côté de la route. J’y allais avec mes deux grandes sœurs. La plus vieille partait souvent en exploration pour trouver la meilleure talle. Mon autre sœur se contentait de rester sur place et de tout cueillir avec patience. La plus grosse récolte, c’était souvent elle. Moi j’étais un assez bon cueilleur aussi, mais je mangeais un bleuet sur trois !

 

À gauche, sa recette de sa pâte à tarte.

Cet extrait vient d’une enfance dans les années 80

LE MANGEUR DE NOIX FIXÉ POUR L'ÉTERNITÉ

Mon grand frère commence à en parler bien avant qu’on ne puisse voir la pancarte. Il veut encore arrêter chez le taxidermiste qui tient boutique au bord de la route 132. Mon père calcule qu’il faut moins d’effort pour faire une petite visite que pour gérer un refus.  

 

Ça sent la mort là-dedans et j’avoue ne pas détester moi non plus les petits frissons que me procurent ces animaux empaillés nous fixant de leurs yeux torves.

 

Mon ainé déclare aujourd’hui qu’il désire une perdrix empaillée pour son anniversaire. Quand il a voulu une canne à pêche, j’en ai reçu une aussi, par souci d’égalité. Pour le fusil à air comprimé, même combat. Mon frère a réquisitionné le mien rapidement. En les ficelant ensemble, il a créé une carabine à deux coups. Toujours futé, ce chasseur en herbe est mon grand héros.

 

À cinq ans, je fais tout comme lui, mais à la surprise générale, la petite sœur annonce « moi, hé ben moi, d’abord, je veux un écureuil empaillé ! »  Nos fêtes sont toutes les deux le même mois d’automne, à 6 jours d’intervalle.

 

Le taxidermiste nous explique qu’il est facile de camoufler les trous des plombs dans les plumes d’un oiseau. Mais que le fusil de calibre 12 du paternel transformerait en passoire inutilisable un petit mammifère comme un écureuil. La meilleure option est d’essayer d’en trapper un, avec des pièges et des appâts.

 

Ma mère s’indigne ! Elle est en beau fusil. Tuer un lièvre ou une perdrix pour les manger, ça peut aller. Mais cette néo-végétarienne refuse catégoriquement qu’on trucide un pauvre rongeur pour en faire de la décoration pour enfant ! C’est à mon tour de friser la crise. Maman me regarde dans les yeux et me promet qu’on trouvera une solution. Je me calme.

 

Quelques jours plus tard, on visite ma grand-mère en ville, elle et moi. On s’apprête à traverser le boulevard à pied, en face du parc du Bois-de-Coulonge. Le trafic file devant nous tandis qu’on attend le feu vert.

Un écureuil traverse soudainement l’artère et se fait heurter le crâne par une voiture. Il git sur l’asphalte, inerte et intact.

Ma mère saisit le moment et ma petite menotte. On court ! Elle ramasse la bête au passage avant qu’une autre voiture ne le réduise en bouillie — nous aussi, par le fait même ! Sur le trottoir d’en face, essoufflée, elle cache rapidement la bête dans sa sacoche, lisse sa jupe et se remet à marcher dignement, avec un sourire de triomphe. 

 

Si mon frère n’est plus mon modèle depuis longtemps, cette scène fait encore de ma mère une grande héroïne à mes yeux.

Le mangeur de noix
Le début d’une biographie de couple

LOVE IS OLD, LOVE IS NEW

Dans notre petite enfance, nous habitions tous les deux le quartier Maizerets sur des rues contiguës. J’ose penser que nous avons joué tous les deux dans la même pataugeuse du parc Bardy, partagé les mêmes balançoires, le carré de sable. Le paradis pour enfants !

 

En août 1954, ma famille a déménagé à Sainte-Foy. Pendant plusieurs années : silence radio. Pourtant, c’est faux ! Nos mères étaient toutes deux « Radio-Canadiennes ». Cette culture musicale radiophonique issue de notre enfance nous rapproche encore.

 

Deux de nos grands-mères passaient l’été au lac Saint-Joseph. Nous les visitions les beaux dimanches. Le mot LAC évoque pour nous deux les mêmes images de bonheur : l’odeur du sable ; les rires de nos tantes, avant de mettre les pieds dans l’eau ; les rots de liqueur crème soda avalée trop vite…

 

Si l’enfance est la base de notre maison affective, je crois que nos âmes sont coulées du même béton.

 

On s’est retrouvés 40 ans plus tard.

Lac
Trois dentitions, deux générations, une seule fée

HISTOIRES DE DENTS PERDUES

Ma petite voisine vient souvent me visiter lorsque ses parents viennent à leur chalet, voisin du mien. Cet été-là, son sourire a changé. Les candides dents de lait ont fait place à plusieurs gros trous béants, que la fillette exhibe avec fierté.

 

On discute sur mon balcon des surprises données par la fée des dents, tandis que j’étends mon lavage sur la corde à linge. Fidèle à son habitude, ma jeune amie me pose des questions sur tout et sur rien, en sautant du coq à l’âne.

 

— Pourquoi y’a une boîte avec une couverture sur ta galerie ?

— C’est le lit à mon chat Arthur ! Il aime ça dormir dehors l’été.

— Et ça, c’est son os ?

 

Elle tient une mâchoire de vache que j’ai trouvée dans la rivière et que j’ai simplement laissée à sécher sur la galerie. Pendant que je lui explique le rôle des dents des animaux en lien avec leur alimentation, je la vois du coin de l’œil jouer avec les grosses molaires. Ses petits doigts ont réussi à en déloger une. Ses yeux s’agrandissent. Croyant que je ne la regarde pas, elle camoufle l’objet sous la couverture du chat ! Je réprime un fou rire, tout en admirant sa tactique pour duper la fée des dents. La petite, elle, ne peut cacher un sourire béat dans lequel il ne manque rien du tout.

 

***

 

Le père de Lucie se couche après une grosse journée de préparatifs pour un voyage de chasse. Il réalise, une fois sous les couvertures, qu’il a oublié d’enlever son dentier. Trop fatigué — ou trop paresseux — pour se relever, il l’enlève discrètement et le cache sous l’oreiller. Sa femme feint d’être endormie et ne dit pas un mot. Ce n’est pas la première fois qu’il lui fait le coup et ça l’enrage ! Elle attend qu’il ronfle, prend le dentier et va le cacher. Le lendemain, le père se réveille et cherche ses dents.

 

— As-tu vu mon dentier ?

— Où tu l’avais laissé ?

— Sous mon oreiller…

— Ben là, tant pis pour toi ! La fée des dents l’a surement ramassé.

 

Pour lui donner une leçon, elle a mis des heures avant de lui redonner.

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