Mon chat s’est installé dans son nouveau domaine et s’est mis à me suivre partout.
Raclage de feuilles ? Présent ! Une sieste l’après-midi ? Présent aussi ! Passage du balai ? Ho oui ! Passage de la balayeuse ? Hiiiiiiii ! Repli immédiat dans le sous-sol !
Il faut dire que, devant son abondance de poil fou en pleine mue, j’avais essayé de lui passer l’appareil sur le dos. J’admets que c’était une fausse bonne idée. Depuis ce jour, la vue de l’aspirateur suffit à le faire fuir avant même que je le branche. Je peux, par contre, enlever la cire de ses oreilles de chat avec un tampon, ou les morceaux de nuit qui sont collés à ses yeux. Mon animal stoïque est parfaitement consentant. Confiance absolue.
L’automne s’est terminé et les premières neiges sont arrivées. Si ma mère m’avait vanté les talents de chasseur de son jeune premier et les proies déposées à ses pieds, je me sentais un peu vexée de n’avoir reçu aucun cadeau jusqu'à maintenant. Et pourtant, si j’avais dit oui à un chat, c’était bien parce que les rongeurs abondaient sur mon terrain en quantité astronomique.
Je pouvais voir dans mon jardin des mulots traverser entre deux rangs. Les souris sauteuses bâtissaient des nids dans le paillis sous les pommiers. Les écureuils avaient investi mes cabanes d’hirondelles, ou s’en servaient pour déposer leurs provisions pour l’hiver, comme si c’était une tirelire. Les tamias rayés avaient pris possession du tas de compost et frisaient l’hystérie quand j’allais y déposer mes rebuts de fruits et légumes.
Arthur, lui, ne semblait rien voir du tout et n’avait d’yeux que pour moi. J’étais devenue sa muse, sa reine, sa déesse. Grand bien en faisait à mon égo de fille célibataire. Un mâle m’adorait ! Même moustachu, je le trouvais magnifique aussi. Mouhaha.
J’ai découvert un jour d’hiver qu’un autre prédateur s’occupait des rongeurs. Une hermine, blanche de poil avec le bout de la queue noire, faisait une chasse vorace sur le terrain. Je découvrais chaque matin de nouvelles traces sur la neige qui trahissait les scènes du crime de façon éloquente. Rapide et éphémère comme une étoile filante, les rares apparitions de la petite fouine faisaient office de mirage. Je me demandais à chaque fois si je ne venais pas de rêver. À force de signaler sa présence et sa chasse soutenue, j’ai trouvé un nom pour mon hermine : Mimine ! Celle qui réalisait le travail que mon pachat — graphie rectifiée ! — aurait dû faire.
Pendant ce temps, Arthur se prélassait devant le poêle à bois, lissait sa belle fourrure pendant des heures en me regardant de ses yeux adorateurs, avec sa petite langue sortie, presque concupiscente. À qui me demandait de ses nouvelles, je disais la vérité : ce que mon chat a vraiment hérité des félins, c’était son haleine de fauve ! Sinon, heureusement que j’avais Mimine-l’hermine comme exterminatrice.
Au printemps, tout a changé.
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