Un par un, j’ai pris les chatons dans mes mains. Ils ont émis de faibles miaulements au bout de quelques secondes. Tous sauf une. La plus foncée et la plus petite, les yeux à peine ouverts, s’est mise à feuler instantanément. Un petit crachement de chaton risible, mais ferme. Je l’ai collée dans le creux de mon cou, pour la garder chaude. Elle s’est mise à ronronner.
À chacune de mes visites, elle me faisait le même manège. Crachements suivis de ronrons. Quand ils ne dormaient pas dans la boîte, je découvrais souvent les trois autres bébés roulés en boule dans un coin à l’ombre. La quatrième était en train de jouer avec quelque chose que le vent faisait bouger, ou de courir après un insecte.
Comme j’avais déjà un pot de colle nommé Arthur, l’idée d’adopter une petite chatte qui avait de l’attitude et de l’énergie me plaisait.
Il lui fallait un nom.
Les chats de mes voisins les plus proches ont tous des noms d’humains. Pour ajouter à la série des Arthur, Henri et Françoise en restant dans le ton, n’avaient pas la cote les Simba, Tigrou ou Caramel. Il fallait une dénomination peu commune qui ne risquait pas de froisser une Denise, Micheline ou Gisèle non plus.
Je suis allée creuser — au sens figuré — dans un cimetière du coin pour trouver des prénoms anciens de femmes de la région. Une grande pierre blanche en forme de croix arborait le prénom Wilhemine. La finale en « mine » était évocatrice. La sonorité se balançait bien du haut du balcon : Mine mine mine mine !
Peut-être ?
J’ai continué la promenade entre les vieilles pierres tombales. J’ai découvert pas moins de quatre hommes qui avaient été, selon l’inscription, ÉPOUX DE LÉONTINE… Fallait-il croire à un hasard ou à une Corriveau bas-laurentienne ?
Léontine. J’ai senti que je tenais quelque chose : Léo, le mot latin pour lion. Une petite lionne, c’est exactement ce qu’elle représentait !
Arthur et Léontine. C’était aussi beau que Lazarre et Cécile, de la poétique chanson d’Anne Sylvestre. Les éléments comme le vent ou la lune pourraient les marier au besoin, mais personne ne les empêcherait de s’aimer chez nous.
Ridicules humains, et moi en particulier, qui peuvent rêver et prêter des intentions aux animaux… Arthur fut loin d’être ravi de sa fiancée, pourtant si craquante.
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