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16 - ARTHUR ET TÉTINE


Voici le dernier épisode des histoires de chats. Aucune aventure ni épopée ici. Je termine avec un portrait des félins qui forment notre famille. Parce qu’avec le temps, les différences de caractère sont devenues frappantes entre les deux chats.


Le gros roux, nonchalant (lire non-CHAT-lant !) et indolent, n’est jamais conflictuel. Il se laisse prendre en tout temps, vient lorsqu’on le lui demande, comprend rapidement les limites ; il observe, suit, s’adapte. Son expression est figée en une moue qui semble dire : bon d’accord. Si les chats pouvaient hausser les épaules, il le ferait. Sa langue pendante est légendaire.


La bébé tigre est d’une autre trempe. Elle sait exactement ce qu’elle veut et c’est elle qui dicte les règles. Sa petite face s’exprime constamment. Ses paupières se plissent de bonheur ou de dégout, ses oreilles se couchent et ses pupilles virent au noir pour les batailles. Ses yeux deviennent ronds et catastrophés pour les grandes tragédies, comme recevoir des gouttes de pluie sur sa fourrure, ou pour les urgences de vie ou de mort, tel que de vouloir un bol de lait.





Sa queue est volubile et contribue à l’expression de ses humeurs. Toujours courbée, elle n’imite jamais la lettre I. On y voit plutôt un S rayé qui se roule et se déroule en alternant la droite et la gauche. Les sinuosités de cette couleuvre caudale calquent le rythme du cœur, selon l’émotion. La chatte fouette avec grâce l’air ambiant, comme pour diriger un orchestre invisible dans son dos. En l’observant marcher devant nous, on peut noter son drapeau relevé qui dessine un point d’interrogation, terminé par une petite étoile rose.


Notre tigresse juvénile ponctue maintenant nos activités peinardes d’autrefois. Influençant son ainé, la jeune a totalement perturbé l’ambiance dans le hamac. Nos séances de berçage tranquilles, nos membres entrelacés, sont chose du passé. À l’instar de Spiderman, Léontine se transforme en Spidercat et grimpe jusqu’au sommet en s’agrippant aux mailles, comme si c’était une toile. Elle se rentre la tête dans les cordes servant d’attaches et joue avec celles devant elle, telle une harpiste en concert. J’ai beau lui répéter que ce n’est pas son instrument (et qu’elle va les endommager), rien n’y fait. Pire, Arthur l’imite maintenant ! Deux araignées poilues dans le filet. Et si je ne les embarque pas avec moi, Léo balance des coups de griffes sur mes fesses entre les mailles depuis le plancher. Petite peste féline !

 

Toujours coquine, chacune de ses activités est d’une intensité redoutable.

 

Elle mange bruyamment en poussant la moulée, qui déborde du plat. Deux fois plus rapidement que le gros, sa ration est épuisée et son museau fourrage alors vers celle du voisin, qui lui peut pigrasser silencieusement dans son bol l’espace de trois jours entiers. Il ne se défend jamais et mange moins. Un pacifiste de premier ordre.

 

Arthur est d’un zen déconcertant. Ce gros baba cool s’est mis un jour à faire ses griffes sur le poteau de bois du salon en position couchée. Une sorte de yoga-griffe, vous me direz. La technique de Léo n’a rien de méditatif lorsqu’elle érafle le bois avec ses deux petits grattoirs dangereusement aiguisés. Je ris de les voir ensemble s’activer les pattes un sous l’autre, la plus haute rejetant de fins copeaux sur celui du dessous.

 

Pour le ronron, il est impossible de ne pas les comparer aux moteurs. Le mâle est un diesel. Dur à démarrer, il offre cependant une performance puissante de longue durée après s’être échauffé. La femelle est du type sportif. Elle démarre grâce à une seule caresse. La vue d’une pinte de jus de vache suffit. Mais après deux ou trois tours sur elle-même, la machine semble oublier la destination. Elle passe à une autre activité.


Son hyperactivité ressemble à un virus et nous contamine. Pour ma part, c’est surtout ma mâchoire qui s’active en riant. Même la chatte semble sourire par moment. Par contre, sa routine du soir est un peu troublante. L’aventure de la laveuse ne lui aura laissé aucune séquelle à long terme, sauf une drôle de manie d’autodépendance affective.

 

La chatoune saute d’abord dans mon lit et vient me saluer avec son museau. Si Arthur donne de délicats bisous de chat du bout de sa petite truffe humide, Léo peut carrément rentrer la sienne dans une de mes narines et pousser vers le haut, en sortant soudainement la langue. Un cat-kiss, quoi. Il faudra lui parler de consentement un jour, mais rien d’inusité jusque là.


Son originalité dans le rituel du dodo arrive ensuite. Elle monte sur mon corps couché en cherchant un creux, soit le pli d’une cuisse ou d’un bras. Puis, comme un chien, elle se roule en boule en tournant sur elle-même, avant de s’écraser, sa queue entre les pattes de devant. Elle farfouille alors dans le poil pour trouver le petit bout rond du dernier os caudal. Je sais qu’elle vient d’atteindre son but lorsque j’entends le bruit de succion sonore par-dessus celui du ronron : tswuiiiiip tswuiiiiip tswuiiiiip tswuiiiiip tswuiiiiip tswuiiiiip tswuiiiiip tswuiiiiip tswuiiiiip… Une question me titille régulièrement : est-ce qu’on est en train de simuler une scène d’allaitement ?!!

 

On aurait dit que Léontine était prédestinée à prendre le surnom de Tétine.

 

Ce printemps, Tétine a eu ses premières chaleurs. Aux deuxièmes, très insatisfaite du service de son copain sans noisettes — qui pourtant avait enfin trouvé une utilité à sa grande langue — elle a disparu pendant 24 h.




Je surveille ses flancs depuis. Malgré son appétit monstre et ses siestes en position assise, sa taille reste toute fine. Je me demande quel mâle a pu résister à sa grâce féline, au velours de ses pattes noires élancées, à sa gorge crème décorée de deux rayures en collier, à son museau roussâtre qui marie la couleur du mignon bout de sa queue décolorée par le suçotement, à ses yeux qui se terminent en une délicate ligne foncée rappelant un maquillage égyptien.





Peu importe si la famille s’agrandit un jour ou pas, nous aimons tous les trois marcher ensemble, avec un sentiment de meute tissée serrée. Léontine a été initiée au voyage de chasse annuel en début mai, la cueillette des têtes de violon le long de la rivière. Une excellente récolte (de bonheur) grâce à leur aide !




 

 

 

 

 

 


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Je me suis régalée à enfiler les épisodes! Qui a fait les jolis dessins? J'ai hâte de les revoir ces petits minous là!

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