
Cette nuit-là, on avait entendu des chants dans la nuit, tout près de la maison. Loin d’être apaisante, la berceuse hurlante des coyotes m’avait glacé le sang. Je m’étais redressée dans le lit pour tâtonner les couvertures, dans l’espoir de trouver le petit corps tiède de mon compagnon.
Que du vide.
Durant les nuits chaudes de juillet, bien rares étaient nos dodos collés…
Arthur avait le don pour accompagner mes réveils, par contre. Dès que j’ouvrais les yeux, mon regard se portait vers les fenêtres. Si je ne voyais pas une petite boule orange sur la galerie, elle était alors lovée sur le banc de bois, ou même souvent, en transition à travers les herbes. Mon chat semblait avoir des antennes l’avisant de la fin de ma nuit et lui permettant de m’entendre émerger de l’espace du sommeil. Téléguidé par un sens que je n’explique pas, il rentrait à la base dès l’ouverture de mes yeux, en trottant avec assurance, réglé comme un appareil de la NASA.
Mais ce matin suivant la nuit de noces des canidés, silence radio.
Je me suis levée pour nourrir mon propre bébé Loup. Ma filleule était à la maison et cette jeune adulte avait encore l’appétit d’un louveteau en colonie de vacances. Une fois la montagne de crêpes avalée, j’ai commencé à m’inquiéter sérieusement. Arthur n’était toujours pas rentré.
9 h
10 h
11 h
12 h
13 h
J’avais beau appeler, appeler, appeler, de tous les angles du terrain et vers tous les azimuts du ciel, pas de matou. Pour faire passer mon angoisse naissante, j’ai attaqué les mauvaises herbes du jardin, comme une fourmi automatisée. Je pensais déjà au pire. Mon invitée s’est fait cigale. Prenant sa guitare et sa jolie voix, elle a composé une complainte, qui se voulait aussi bien une prière pour le retour d’Arthur qu’un hommage funéraire s’il venait qu’à ne jamais rentrer.
J’ai eu l’honneur d’être la première à l’entendre. Sérénade du haut du balcon pendant que je désherbais mes fleurs en bas.
Un cri de coyote dans la nuit
Un cri de silence dans le jour
Arthur n’est pas revenu
On l’attend, le temps est lourd
Minou minou minou minou
Minou minou minou minou
Reviens-nous
Minou minou minou minou
Minou minou minou minou
Reviens-nous
Hier il jouait à la danse
Une souris morte entre les dents
Arthur est le roi du silence
Arrivent les onze heures tapantes
Minou minou minou minou
Minou minou minou minou
Reviens-nous
Minou minou minou minou
Minou minou minou minou
Reviens-nous
D’un coup toutes les roses ont fleuri
Les épervières jaunes ont éclos
Entends mille oiseaux qui crient
Et le vent hurle ces mots
Minou minou minou minou
Minou minou minou minou
Reviens-nous
Minou minou minou minou
Minou minou minou minou
Reviens-nous
J’entends le plancher qui craque
J’entends quelque chose qui couine
Je pense au bonheur de Corine
Mais je sais bien que j’hallucine
Ne vois-tu pas le grand trou
Que tu creuserais par ton départ
Toi qui es le rempart
Et la tendresse
De la princesse
Du bout du rang
Moi, je n’avais jamais vu
Sauf dans les bras de tantine
D’aussi paisible tartine
Que minou minou minou minou…
Un cri de coyote dans la nuit
Et le silence qui hurle toujours
Arthur aux poils roux est parti
Au d’sus du cap de roches, les corneilles font de grands tours
Comme attiré par sa voix de sirène, Arthur est enfin revenu peu après, l’air inquiet, en longeant notre petite route à une voie. Vous pouvez écouter la chanson ici.
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